Francis Lopez
Écrit par Administrator   
09-01-2009

Francis LopezL'immense succès de Francis Lopez pendant plus de vingt ans est dû à la rencontre d'un compositeur, d'une époque et d'un interprète. Francisco Lopez naît le 15 juin 1916 à Montbéliard. Son père, mobilisé comme dentiste aux armées, était cantonné près de Belfort ; sa mère avait tenté de le rejoindre, mais avait dû s'arrêter à Montbéliard, qui comptait déjà une assez importante communauté hispanique. Et c'est dans la " cité des Princes " de Franche-Comté, où son père s'installe ensuite comme chirurgien-dentiste, que Francisco fera ses premiers pas. Très vite, la famille quitte Montbèliard pour Bayonne : le père était d'ascendance basque espagnole, la mère basque d'Hendaye. Francisco a cinq ans quand son père meurt ; il vit alors, avec sa mère, à Saint-Jean-de-Luz, puis à Pau, où il achève ses études secondaires. Parallèlement, il apprend le violon, puis le piano.
Après quoi, il " monte " à Paris pour y entreprendre des études de chirurgie dentaire. Le jeune homme est mobilisé et blessé pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est un spectacle de Maurice Chevalier qui lui révèle sa vocation. Des rythmes ibériques plein la tête, il quitte l'odontologie pour la musique. Francisco, devenu Francis, rencontre alors un jeune Marseillais, Raymond Vincy, qui se destine à une carrière de librettiste. La rencontre sera décisive. Ils écrivent ensemble la première opérette de l'après-guerre "La Belle de Cadix", créée sur la scène de l'Elysée Montmartre ,le 24 décembre 1945... Un triomphe ! Le tandem Lopez-Vincy durera trente-sept ans.

 Les quatre années d'occupation et de restrictions de la Seconde Guerre mondiale ont changé beaucoup de choses dans la société française. Mais, comme au lendemain de 1918, le besoin de détente, de distraction, de sourire se manifeste. Le théâtre retrouve son audience, en particulier le théâtre de divertissement. L'opérette refleurit, avec des reprises d'avant guerre, mais "La Belle de Cadix" apporte incontestablement quelque chose de nouveau. Ce qui frappe, c'est le rythme, qui mêle avec beaucoup d'éclectisme le flamenco et la sardane, le tango et le fandango, ou même le slow et le paso doble. La trame est classique : un couple sentimental, un couple comique ; la mise en scène à grand spectacle, avec une machinerie digne du Châtelet, des costumes colorés, chatoyants et, surtout, un exotisme ensoleillé qui fait rêver. La musique est "facile", certes, mais facile à retenir aussi et, il faut le reconnaître, bien construite. Quant au texte, le jeune Raymond Vincy s'est fait aider pour cette première expérience, par deux vieux routiers ", Marc Cab et Maurice Vandair.

Encore fallait-il des interprètes. La vedette sera une découverte: Luis Mariano. Doté d'une d'une belle voix, Mariano Eusebio Gonzâlez Garcia, dit Luis Mariano, né à Irun en 1914, a étudié le chant au conservatoire de Bordeaux, ville où s'était réfugiée sa famille au moment de la guerre civile espagnole. Il "monte" ensuite à Paris, où, grâce à sa rencontre providentielle avec Francis Lopez, il devient le " ténor a la voix de velours ". Plus tard, Francis Lopez gardera toujours un don particulier pour révéler de jeunes talents comme Rudy Hirigoyen ou José Todaro.

Après le succès de "La Belle de Cadix", qui sera jouée pendant deux années consécutives et régulièrement reprise a Paris et en province puis lors, les réussites se succéderont.Jusqu'à la mort de Luis Mariano, en 1970, Francis Lopez composera principalement pour lui. Dès 1947, sur la scène de la Gaieté Lyrique, le ténor est en vedette dans "Andalousie" : le succès est étourdissant, dû toujours à la magnificence des ballets, des costumes, aux mouvements de la mise en scène, mais aussi au fait que, le compositeur ayant acquis du métier, la partition est particulièrement soignée. Suivront, en 1948, à Bobino, "Quatre jours à Paris", en 1949, une remarquable reprise de La Belle de Cadix à l'Empire, et, à la fin de 1950, "Pour don Carlos", au Châtelet avec cette fois le jeune Georges Guétary. Toujours au Châtelet, on retrouvera Luis Mariano dans "Le Chanteur de Mexico", à la fin de 1951. Ce sera, pratiquement, l'apogée de la carrière de Francis Lopez et le triomphe de ce qui sera devenu un quatuor: Lopez-Vincy-Mariano et Maurice Lehmann, metteur en scène. On changera un peu de style avec "La Route fleurie", jouée à l'A.B.C. par Guétary et Bourvil (1952), avant de revenir aux rythmes exotiques dont le succès ne faiblit pas: "La Toison d'or" (1954), d'après Pierre Benoît, avec André Dassary "Méditerranée" (1955), avec Tino Rossi, "Le Prince de Madrid" (1967), qui ne pouvait être que Mariano. Dès lors, avec les reprises constantes à Paris et en province le nom de Francis Lopez ne quittera plus guère l'affiche ; il y avait eu encore "Le Secret de Marco Polo" au Châtelet avec Mariano (1962). Et, parmi les plus célèbres, il y aura "La Caravelle d'or" (1969), "Viva Napoli" (1970), "Gipsy" (1972), "Fiesta" (1975), "Viva Mexico" (1978), la plupart au Châtelet ou à Mogador. Au total, 34 opérettes et 25 films.

 

Il ne semble pas que cet infatigable créateur de chansons d'amour (outre les airs d'opérette, il en a composé un millier) ait eu un destin personnel très heureux. Une vie sentimentale plus qu'agitée - c'était un seducteur-né - mais ponctuée de drames Après un premier divorce, une compagne qui se suicide à trente ans; un deuxième mariage, avec Sylvia Lopez, qui mourra de leucémie à vingt-six ans. Sa troisième épouse, Anja, devait disparaître en 1986 dans un accident, lui laissant un fils, Rodrigo. Il était remarié depuis 1990. Il est mort à Paris le 5 janvier 1995.

(d’ après ANAO-Opérette, 62 rue Blanche, 75009 Paris)